Livre: Livre Le spleen de Paris de Baudelaire Charles, commander et acheter le livre Le spleen de Paris en livraison rapide, et aussi des extraits et des avis et critiques du livre, ainsi qu'un résumé.
Lorsqu'il commence à publier ses petits poèmes en prose dans des revues et des journaux, Baudelaire a beau les qualifier modestement de bagatelles », il a pleinement conscience de ce qu'ils ont de singulier. Et nous le savons mieux désormais, ce qui s'inaugure de manière capitale dans ces textes qui visent à capter l'étrangeté du quotidien de son temps, ce n'est rien moins qu'une forme littéraire nouvelle. Rimbaud et Mallarmé vont s'en souvenir très vite - et bien d'autres après que le poète y songeât depuis 1857, l'-année des Fleurs du Mal, Le Spleen de Paris ne parut que deux ans après sa mort, en 1869. Ses poèmes en prose constituaient pourtant à ses yeux le pendant » de ses pièces en vers, et les deux livres, en effet, se font écho à maints égards. Mais, à la différence des Fleurs du Mal, ce n'est pas ici un recueil composé qui nous est offert un espace de liberté, bien plutôt, où le ßâneur témoigne d'un nouveau regard venu à l'homme moderne pour lequel la réalité multiplie ses images..Edition de Jean-Luc Steinmetz. Retrouveztout ce que vous devez savoir sur le livre Le Spleen de Paris de de Charles Baudelaire : résumé, couverture, notes et critiques des membres Kifim. Recueil de poèmes en prose de Charles Baudelaire 1821-1867, publié dans le tome IV des Oeuvres complètes à Paris chez Michel Lévy frères en 1869. De nombreux poèmes avaient, à partir de 1855, paru dans diverses revues, notamment dans la Presse en août et septembre 1862. Au fil des publications de ses poèmes en prose, Baudelaire a hésité entre plusieurs titres Poèmes nocturnes, la Lueur et la Fumée, le Promeneur solitaire, le Rôdeur parisien. C'est sous le titre de Petits Poèmes en prose que paraissent les vingt pièces publiées dans la Presse en 1862. Ce titre est toutefois trop peu attesté pour que l'on puisse le considérer comme reflétant l'intention définitive du poète Baudelaire, durant les dernières années de sa vie, utilisait en effet l'expression le Spleen de Paris pour désigner son recueil, et la plupart des éditeurs ont conservé ce dernier titre. Dans le Spleen de Paris, Baudelaire expérimente un genre nouveau, inauguré peu auparavant par Aloysius Bertrand "C'est en feuilletant pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la nuit, d'Aloysius Bertrand [...] que l'idée m'est venue de tenter quelque chose d'analogue, et d'appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d'une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu'il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque" "A Arsène Houssaye", dédicace du recueil. Les poèmes en prose de Baudelaire, différents dans leur inspiration et leur facture de ceux de son devancier, imposent le genre, lequel deviendra particulièrement florissant dans les dernières décennies du XIXe siècle et au début du siècle suivant. Le Spleen de Paris contient cinquante textes que Baudelaire n'a pas eu la volonté ou le temps de rassembler et d'organiser en diverses parties. Ses notes contiennent des projets de regroupements mais la dédicace "A Arsène Houssaye" fait de la libre ordonnance des poèmes un principe esthétique "Mon cher ami, je vous envoie un petit ouvrage dont on ne pourrait pas dire, sans injustice, qu'il n'a ni queue ni tête, puisque tout, au contraire, y est à la fois tête et queue, alternativement et réciproquement. [...] Enlevez une vertèbre, et les deux morceaux de cette tortueuse fantaisie se rejoindront sans peine. Hachez-la en nombreux fragments, et vous verrez que chacun peut exister à part." Discontinuité, liberté et diversité caractérisent le recueil. Le ton et l'atmosphère sont variés, depuis l'agressivité "la Femme sauvage et la Petite Maîtresse", "Assommons les pauvres!", et le sarcasme "Un plaisant", "le Chien et le Flacon", "le Galant tireur ", jusqu'au pathétique "les Veuves", "le Vieux Saltimbanque"; ces différents aspects peuvent d'ailleurs cohabiter dans un même poème comme "les Yeux des pauvres". La plupart des pièces sont narratives, et certaines s'apparentent même à des contes "Une mort héroïque", "la Corde", ou à des fables sataniques "les Tentations, ou Éros, Plutus et la Gloire", "le Joueur généreux", alors que d'autres, qui se terminent parfois par une moralité "la Fausse Monnaie", tiennent plutôt de l'exemplum médiéval "les Dons des fées", "les Vocations". Les thèmes sont eux aussi variés mais quelques-uns dominent le destin et le pouvoir du poète dans "le Confiteor de l'artiste", "la Chambre double", "le Fou et la Vénus", "les Foules", "Enivrez-vous", "les Fenêtres"; les exclus, tous ces êtres déshérités ou bizarres qui éveillent la compassion dans "le Désespoir de la vieille", "les Veuves", "le Vieux Saltimbanque", "le Gâteau", "Mademoiselle Bistouri"; le désir d'évasion dans "l'Étranger", "l'Invitation au voyage", "les Projets", "Déjà", "Any where out of the world"; la femme enfin, à la fois mystérieuse et dérisoire, fascinante et haïe dans "la Femme sauvage et la Petite-Maîtresse", "Un hémisphère dans une chevelure", "la Belle Dorothée", "le Galant tireur". Ce recueil en prose s'inscrit dans la continuité de l'oeuvre en vers "En somme, c'est encore les Fleurs du mal, mais avec beaucoup plus de liberté, et de détail et de raillerie", écrivait Baudelaire à J. Troublat le 19 février 1866. Certaines pièces du Spleen de Paris peuvent même apparaître comme des doublets de poèmes des Fleurs du mal l'exemple le plus frappant est celui de "l'Invitation au voyage", dans les deux ouvrages. L'expression "le Spleen de Paris" souligne cette filiation puisque le terme "spleen" sert de titre à la première section des Fleurs du mal, elle-même intitulée "Spleen et Idéal". L'ennui, l'angoisse, le sens aigu et douloureux du néant de toute chose, demeurent au centre de l'expérience baudelairienne. L'idéal est ailleurs, rêvé, entrevu, toujours inaccessible à l'homme prisonnier de la réalité mesquine et décevante. Perceptible pour le poète en quelques instants privilégiés, il fait de l'univers un spectacle réversible dont "la Chambre double" offre l'image symbolique. Dans ce poème en effet, la même chambre est d'abord décrite comme un lieu merveilleux - "chambre véritablement spirituelle", "chambre paradisiaque" - avant d'être rendue à sa dimension réelle de sordide "séjour de l'éternel ennui". La contemplation de la nature n'échappe pas à cette fatale réversibilité "Grand délice que celui de noyer son regard dans l'immensité du ciel et de la mer! [...] / Et maintenant la profondeur du ciel me consterne; sa limpidité m'exaspère. L'insensibilité de la mer, l'immuabilité du spectacle, me révoltent... Ah! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau?" "le Confiteor de l'artiste". Ce pouvoir visionnaire mêlé à une extrême lucidité fonde l'intolérable frustration du poète et sa misanthropie souvent cruelle, le choix du mal n'étant que l'envers d'un désespoir. Ainsi, alors que dans maints poèmes du Spleen de Paris le poète fraternise avec les déshérités, il fait preuve, dans "le Mauvais Vitrier", d'"une haine aussi soudaine que despotique" à l'égard d'un "pauvre homme" il détruit méchamment la marchandise d'un vitrier ambulant parce que celui-ci ne possède que des "verres de couleur", c'est-à-dire des "vitres qui [font] voir la vie en beau". Le titre le Spleen de Paris met en outre l'accent sur la dimension urbaine de l'entreprise poétique, explicitée dès la Dédicace "C'est surtout de la fréquentation des villes énormes, c'est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant" celui de la "prose poétique". Paris ne constitue pas toutefois le décor de tous les poèmes du recueil "le Gâteau" a par exemple pour cadre les Pyrénées, "le Joujou du pauvre", la campagne, et "la Belle Dorothée", les îles Mascareignes. En réalité, le monde urbain est moins affaire de décor que de regard. Dans une étude sur Constantin Guys intitulée le Peintre de la vie moderne 1863, Baudelaire lie la notion de modernité au phénomène de la grande ville. La sensibilité du poète moderne, sa saisie du monde, son spleen sont pour ainsi dire formés par l'expérience urbaine. Cette dernière enseigne les injustices et la misère dont le poète se fait le porte-parole "Je chante les chiens calamiteux [...] les pauvres chiens, les chiens crottés, ceux-là que chacun écarte, comme pestiférés et pouilleux, excepté le pauvre dont ils sont les associés, et le poète qui les regarde d'un oeil fraternel" "les Bons Chiens". Le poète moderne dit la marge et l'exclusion. La ville, sorte de concentré de toute l'humanité, est un révélateur privilégié; mais la misère et les barrières sociales sont partout aussi bien à la campagne, comme en témoigne "le Joujou du pauvre", avec cette grille symbolique qui sépare l'enfant riche et l'enfant pauvre, "un de ces marmots-parias". La ville est aussi une école de solitude et de vanité. L'égoïsme, l'illusion, l'apparence, la fatuité y gouvernent les rapports humains, d'où le ton railleur et cynique de nombreux textes. La poésie permet à peine d'échapper à cet engrenage pervers "Ames de ceux que j'ai aimés, âmes de ceux que j'ai chantés, fortifiez-moi, soutenez-moi, éloignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptrices du monde; et vous, Seigneur mon Dieu! accordez-moi la grâce de produire quelques beaux vers qui me prouvent à moi-même que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas inférieur à ceux que je méprise!" "A une heure du matin". Infernal, le monde urbain est également fascinant dans la mesure où y règnent le hasard et la diversité. Il offre au poète, disponible, vigilant, qui "jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui", une inépuisable matière "Le promeneur solitaire et pensif tire une singulière ivresse de cette universelle communion. [...] Il adopte comme siennes toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que la circonstance lui présente" "les Foules". Le choix du poème en prose répond à la volonté de trouver une écriture adéquate à l'intériorisation de ce fourmillement qui caractérise la métropole "Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience?" Dédicace. Plus libre et immédiate que le vers, la prose se prête mieux à l'évocation du monde moderne "J'invoque la muse familière, la citadine, la vivante" "les Bons Chiens"; un monde multiple, changeant, voire hétéroclite. Genre aux lois peu rigoureuses et contraignantes, le poème en prose offre à l'écriture une spontanéité en accord avec cette posture de "promeneur" ou de "rôdeur" qu'adopte le poète du Spleen de Paris. Les fleurs du mal, Charles Baudelaire 1840 Recueil de poèmes de Charles Baudelaire 1821-1867. Publié en 1857, il réunissait presque toute la production du poète depuis 1840. Le titre, primitivement choisi, aurait été "Limbes"; il fut changé, paraît-il, sur le conseil d'un ami de Baudelaire. Après le procès qui lui fut intenté pour immoralité, Baudelaire en publia une deuxième édition en 1861, d'où il avait supprimé les six "Pièces condamnées". Par contre, trente-cinq autres poèmes, presque tous de grande valeur, y étaient ajoutés. Dans l'édition appelée définitive édition posthume de 1868, établie par Théophile Gautier, à qui le livre est dédié, et Asselineau, figurent vingt-cinq nouveaux poèmes notamment ceux qui avaient été publiés clandestinement à Bruxelles, en 1866, par Poulet-Malassis sous le titre "Epaves". L'ouvrage, tel qu'il se présente dans la seconde édition établie par l'auteur, se divise en six parties "Spleen et idéal", "Tableaux parisiens", "Le vin", "Fleurs du mal", Révolte", "La mort". Certains ont voulu voir, dans cette présentation, l'intention de donner au livre la rigoureuse construction d'un poème, d'illustrer l'histoire d'une âme dans les divers moments de son expérience intérieure. C'est ainsi que le spectacle décevant de la réalité et les expériences sans issue qui fournissent les thèmes dans les deux premières parties, auraient conduit le poète, après avoir en vain cherché, pour oublier son angoisse, une consolation dans les "paradis artificiels", dans l' ivresse, à une réflexion sur le mal, sur les attraits pervers et sur l'horrible désespoir qu'il engendre. C'est alors que le poète aurait lancé ce fameux cri de révolte contre l'ordre de la création, avant de trouver un refuge et un aboutissement dans la mort. Tout nous autorise à penser que, si ce dessein ne fut pas totalement étranger au poète, il va, ainsi exprimé, à l'encontre de l'idée même que Baudelaire se faisait de la poésie si, selon lui, les préoccupations morales ne devaient pas en être absentes, en aucun cas elles ne pouvaient en commander l'ordonnance et la réalisation. Il s'agit plutôt d'une évocation, à proprement parler symbolique, de cette dualité fondamentale qui se partageait son âme et qui le poussait irrésistiblement tour à tour vers les sommets de l' extase et les abîmes du péché, -dualité dont il a parfaitement conscience que, s'il fut le premier à la ressentir avant tant d'acuité, il ne la partage pas moins avec tout homme, en cela son "semblable" et son "frère", ainsi qu'il le proclame hautement dans son arrogante apostrophe "Au lecteur" qui ouvre le livre. C'est pour avoir préservé et cultivé cette dualité essentielle, pour l'avoir élevée à la hauteur d'une ascèse que Baudelaire fut revendiqué par les esprits les plus divers, les plus opposés, et que son oeuvre est allée en s'imposant, carrefour d'idées et de sentiments, point d'aboutissement et point de départ. L'expérience poétique de Baudelaire s'inscrit tout entière entre les premiers vers du "Voyage" et le voeu qui l'achève "Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe? -Au fond de l'inconnu, pour trouver du nouveau!" S'il fallait donner à tout prix un sens à l'aventure intérieure du poète, c'est sans nul doute, dans ce poème qu'il conviendrait de le chercher, Amour, gloire, bonheur, désir, tous les thèmes chers à Baudelaire s'y trouvent résumés, rassemblés, sans oublier "le spectacle ennuyeux de l'immortel péché", partout rencontré, "du haut jusques en bas de l'échelle fatale"; sans oublier non plus la mort, "vieux capitaine", éternelle compagne. Certes, l'idée que Baudelaire se fait du destin du poète reprend les termes traditionnels du romantisme le poète est venu sur terre pour interpréter la réalité à la lumière de son rêve; il s'insurge contre les conventions, demeure, en dépit de tout un inadapté, trouble la conscience et le coeur de ceux à qui il offre ses sublimes mirages "Bénédiction", "L'albatros", "Le guigon"; mais, tout en reprenant à son compte ces revendications, il leur en adjoint de nouvelles, qui font de lui le premier des poètes modernes. C'est ainsi qu'à la question "Tout commence donc à Baudelaire?", on peut répondre avec Jean Cassou "Tout, non! mais quelque chose"; en effet, "Baudelaire est devenu représentatif d'un certain nombre d'éléments qui manquaient au visage spirituel de la France et qui nous apparaissent devoir être désormais maintenus, affirmés et défendus, avec une vigueur combattive, sans cesse renouvelée". C'est lui, Baudelaire, qui a formulé cette loi première à partir de laquelle s'organisera désormais consciemment toute poésie la loi de l' analogie universelle, sur laquelle il s'est expliqué en maints endroits et notamment dans son fameux sonnet des "Correspondances". Si on les prive de cette perspective, des poèmes comme "La chevelure", "L'invitation au voyage", "La vie antérieure" et tant d'autres deviennent de simples allégories littéraires, certes fort belles ou émouvantes, mais dénuées de cette vérité absolue en dehors de laquelle la poésie demeure un jeu ou un exercice. Or, les poèmes de Baudelaire sont "vrais", essentiellement vrais. Un vers comme "Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues", doit être éprouvé, ressenti comme un rapport absolu, inconditionnel, entre les "souvenirs dormant dans cette chevelure" et l'immensité du ciel, azur fait de ténèbres. Or, c'est bien de ce rapport absolu, et de lui seul, qu'est né ce vertige qui s'empare de nous; et ce vertige, quel est-il? Sinon la poésie elle-même, hors de laquelle ces cheveux ne sont plus qu'un objet quelconque de notre univers, émouvant sans doute, mais déchu. On ne peut d'autre part oublier que Baudelaire fut un de ces artistes qui rêvèrent de "découvrir les lois obscures en vertu desquelles ils ont produit, et de tirer de cette étude une série des préceptes dont le but divin est l'infaillibilité de la production poétique". Poète moderne, Baudelaire le fut par l'effort volontaire que déploya sa merveilleuse intelligence critique pour s'assurer des pratiques nécessaires à la naissance de la poésie n'est-ce pas lui encore, qui nous dit "L' inspiration vient toujours quand l'homme le veut, mais elle ne s'en va pas toujours quand il le veut. -De la langue et de l'écriture prises comme opération magiques, sorcellerie évocatoire". Assumant et transposant dans son rêve toutes les expériences de la vie et toutes les apparences du monde, il n'est pas une de ses évocations qui n'ait un caractère irréductiblement original, allant bien au-delà du simple réalisme. "Dans certains états de l'âme presque surnaturels, la profondeur de la vie se révèle tout entière dans le spectacle, si ordinaire qu'il soit, qu'on a sous les yeux. Il en devient le symbole". Les poèmes abondent, qui révèlent, dans un symbolisme transparent, leur substrat intellectuel ou qui ne semblent être au contraire que grâce du langage, mystère et simplicité, et où chante seule la poésie "Harmonie du soir" et, surtout, "Recueillement" peuvent être cités parmi les exemplse les plus parfaits de tout le recueil. "L'invitation au voyage" se résout, elle, en une musicalité pure qui transcende, en quelque sorte par anticipation, tous les développements possibles du poème dans un climat magique. Cependant le "Rêve parisien" atteint, avec l'aisance la plus naturelle, à certaines audaces dont Rimbaud ou les surréalistes se souviendront. Poète de la grande ville, aimant le bitume et le bruit de Paris, il en a chanté les rencontres boulversantes "A une passante" "O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!", les déchets d'humanité qui la hantent les ivrognes, les petites vieilles, les aveugles, les chiffoniers. Maître du paysage urbain, il a créé une seconde nature, où l'architecture remplace les arbres et la verdure, où les "petites vieilles" s'en retournent à la terre comme les feuilles d'automne. Pour orgueilleux et solitaire qu'ait été l'univers où il se situait d'emblée, dominant les hommes et les choses, le poète n'a point cessé d'être solidaire de cette triste humanité, dont il a revécu les douleurs, la souffrance, les erreurs, le péché et le mal. "Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu'il peut être à la fois lui-même et autrui...et si de certaines places paraissent lui être fermées, c'est qu'à ses yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées". Ses chants d'amour, où il approfondit avec une fatale obstination les mouvements les plus secrets du coeur, depuis les rares instants de sérénité jusqu'aux troubles les moins avoués, refusent toute complaisance envers soi-même et rendent un son inimitable. Cela est vrai, soit qu'il reprenne dans "Le balcon" le thème classique de l'inexorable fuite du temps, soit qu'ilrêve, avec une simplicité plus boulversante encore dans le "Chant d'automne", de fraternels abandons de l'âme; soit enfin qu'il élucide, avec un courage presque sacrilège et une complaisance tenace, les liens secrets de l'amour et de la haine, du désir et de la vengeance, de la volupté et du crime voir les célèbres "Pièces condamnées", celles que lui inspira Jeanne Duval, la "Vénus noire" et cet original ex-voto "dans le goût espagnol" "A une madone". Mais jusque dans les rêveries les plus enchanteresses sur la grâce féminine, on retrouve, insistant et douloureux, l'appel de la misère humaine "A celle qui est trop gaie" et surtout "Réversibilité" "Ange plein de gaîté, connaissez-vous l' angoisse...?. Dans les plus suaves et mélancoliques images, demeurent présents le sens d'un commun destin, la douloureuse vision d'un paradis perdu que le poète saura évoquer dans des termes d'une simplicité antique et définitive "Moesta et errabunda" "le vert paradis des amours enfantines". On en arrive ainsi aux trois poèmes qui composent "Révolte" et aux pièces qui portent en propre le titre de "Fleurs du mal" et notamment les "Pièces condamnées". C'est dans ces morceaux, que s'affirment, bien plus important que tout satanisme, le sentiment de la fatalité du péché en même temps que celui du juste châtiment, inévitable et immanent à nous-mêmes. Cette conception fondamentalement baudelairienne, le poète l'exprime de la manière la plus concise, en recourant au mythe du Péché originel. "Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais, -Cependant que grossit et durcit ton écorce, -Tes branches veulent voir le soleil de plus près" ces vers, tirés du"Voyage", expriment assez bien la nécessité et, par là, la quasi-légitimité du mal mais la fatalité du péché n'est pas autre chose, dans la vie morale, que la nécessité de la souffrance. Cette certitude se résout, dans les moments de la plus haute inspiration, en un sentiment de charité universelle, en une grande pitié pour soi et pour les autres. Baudelaire, cet esprit toujours en mouvement, qui ne renonça point au droit de se contredire et dont les attitudes variées ne peuvent être réduites à quelque doctrine traditionnelle, n'est jamais plus lui-même que dans les moments où il porte son jugement sur la vie humaine en lui, un drame se déroule, qui dépasse toute complaisance personnelle, la douleur d'un homme, -la sienne, -devenant, sans le secours de la moindre métaphysique, la douleur de chacun. Ce déchirement de tout un être trouve son expression la plus accomplie et la plus universelle, dans des pièces allant de la délicate et douloureuse fantaisie du "Cygne" jusqu'aux graves accents des deux confessions intitulées "Je nai pas oublié, voisine de la ville" et "La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse", en passantpar les poèmes sur "Les sept vieillards", "Les petites vieilles", "Les aveugles" déjà cités, ainsi que "Crépuscule du matin", "Crépuscule du soir" et "La mort des pauvres". Telle sont les raisons qui ont fait dire que Baudelaire prolongea le romantisme jusqu'à ses extrêmes conséquences, le purifiant et le perfectionnant à un tel point que, tout comme un classique, il en vint à identifier son drame avec l'éternelle tragédie de tous les hommes. Cette position ressort clairement de son style, qui ne veut renoncer à aucune des subtilités qu'il a entrevues, ni à ce renouveau de classicisme le plus authentique. Mais ce qu'il chercha avant tout, ce fut de briser les cadres de la rhétorique et du discours où s'enlisait la poésie traditionnelle, en la libérant du carcan des expressions usuelles. Un dessein aussi ambitieux, et aussi nouveau Baudelaire est un de ces "horribles travailleurs" dont parle Rimbaud, ne pouvait se réaliser sans courir de nombreux dangers et sans quelque dispersion incertitudes de style qui passent comme des ombres et masquent parfois certaines des ses miraculeuses illuminations, insistance unpeu lassante sur certains thèmes. Son existence si malheureuse, sa terrible clairvoyance se cristallisèrent dans un atroce pessimisme, dans ce triste jugement qu'il portait sur la destinée humaine, à jamais symbolisée à ses yeux par le mythe du Péché originel ainsi fut-il un analyste horrifié, mais fasciné du vice et de la perversion. C'est cet aspect particulier de son oeuvre qui fit tenir l'homme et sa poésie pour scandaleux, blasphématoires ou sataniques. Mais cette interprétation est manifestement incomplète, unilatérale elle ne tient nul compte de cette autre moitié de ce monde idéal d'où la première reçoit sa lumière et sa signification. Certes, il y a la "Vénus noire", Jeanne Duval, "bizarre déité brune comme les nuits"; mais il y a aussi son "analogue" sa "correspondance" dans le divin, "la très-belle, la très-bonne, la très-chère" Mme Sabatier. Plus loin encore, les réunissant au-delà de leurs apparences, il y a cette "maîtresse des maîtresse" la Mémoire, -cette mémoire qui fit de Baudelaire un de nos plus grands poètes. Les paradis artificiels, Charles Baudelaire 1860 Oeuvre de Charles Baudelaire 1821-1867, publié en 1860. Dans l'édition originale, elle comprend deux parties "Le poème du haschisch" et "Un mangeur d' opium"; par contre, dans l'édition posthume des "Oeuvres complètes" de l'auteur tome IV, 1869, les éditeurs ont cru bon de joindre, en appendice, l'essai publié neuf ans plus tôt 1851 dans le "Messager de l'Assemblée" sous le titre "Du vin et du haschish comparés comme moyens de multiplication de l'individualité". A vrai dire, cet essai n'est qu'une ébauche du livre publié en 1860 et bien qu'il abonde en sentences originales et en observations aiguës, le dessin en demeure incertain et confus et n'a pas cette précision qui fera le prix de son oeuvre postérieure. La première partie des "Paradis artificiels" proprement dits "le poème du haschisch" se présente comme un traité mi-philosophique, mi-scientifique, sur la nature, l'usage et les effets de la drogue orientale. Ayant posé que c'est par une étrange dépravation du sens de l' infini que l'homme est amené à se rendre coupable des pires excès et notamment à rechercher dans le haschisch ou l' opium une sorte de "paradis artificiel" "Le goût de l' infini", Baudelaire entreprend de faire une "monographie de l' ivresse" dispensée par la fameuse drogue. Celle-ci occupera quatre chapitres "Qu'est-ce que le haschisch?"; "Le théâtre de Séraphin"; "L'Homme-Dieu"; "Morale", au cours desquels, multipliant les points de vue, il examinera systématiquement tous les aspects du problème, depuis le côté physiologique et psychique jusqu'au côté moral. L'analyse est menée avec une rigueur et un sens de l'économie qui font merveille; et bien que Baudelaire apporte à cette description une parfaite désinvolture, en moraliste sensible aux prestiges du mal il démêle, avec lucidité, tout ce qu'il entre de remords et de joie, de désir et d'abandon, de démence et de pureté, dans cette ivresse qui porte en elle des lendemains pleins d'une amère désillusion. Qu'on ne s'y trompe pas le rêve du fumeur de haschisch n'a rien de surnaturel; l'homme qui s'y manifeste n'est que lui-même, augmenté, "le même nombre élevé à une très haute puissance". Croyant se découvrir à une âme nouvelle, le toxicomane éprouve bientôt une angoisse mal définie, comme si son corps, habitacle désormais inutile de son âme, ne pouvait plus la contenir. Mais au moment même où il se découvre Dieu, il tombe, "en vertu d'une loi morale incontrôlable", plus bas que sa nature réelle à l'avenir prisonnier de la drogue, il n'est plus qu' "une âme qui se vend au détail". A ceux qui pensent que le poète peut tirer de cette ivresse de tels bénéfices spirituels qu'il vaut peut-être la peine de tout sacrifier pour l'atteindre, Baudelaire fait remarquer avec cette lucidité qui lui appartient en propre qu' "il est de la nature du haschisch de diminuer la volonté et qu'ainsi il accorde d'un côté ce qu'il retire de l'autre, c'est-à-dire l' imagination sans la faculté d'en profiter". La seconde partie du volume rassemble, sous le titre d' "Un mangeur d' opium", une série d'extraits, commentés par Baudelaire, de l'oeuvre de Thomas de Quincy "Les confessions d'un opiomane anglais". Travail de compilation, mais aussi d'éclaircissement critique, ces pages révèlent à l'attention du lecteur toute la finesse du génie littéraire de Baudelaire. On ne sait, dans l'ensemble de cette oeuvre, ce qu'il faut admirer le plus, de la justesse de l'analyse, de la rigueur avec laquelle elle est conduite ou de la limpidité du style, l'auteur s'étant manifestement donné pour critère de son art la simplicité et le naturel. On y admirera aussi la qualité d'une intelligence rare, s'appliquant à interpréter les expériences les plus diverses avec un tact et une mesure qui la rendent exemplaire. Le peintre de la vie moderne, Charles Baudelaire 1863 Essai de Charles Baudelaire 1821-1867, publié à Paris dans le Figaro du 26 au 29 novembre et le 3 décembre 1863, et en volume dans l'Art romantique chez Michel Lévy en 1868-1869. La Correspondance de Baudelaire nous apprend que cet essai fut rédigé dans l'hiver de 1859 à 1860. Il porte sur le dessinateur et aquarelliste français Constantin Guys 1802-1892, dont le poète prisait beaucoup l'oeuvre. Grand amateur d'art, Baudelaire s'est singulièrement intéressé aux caricaturistes français et étrangers. L'essai consacré à Constantin Guys, ample, rigoureusement organisé, occupe une place privilégiée dans la production critique de l'écrivain. Le Peintre de la vie moderne comprend treize chapitres. Après avoir exposé sa conception de la beauté le Beau, la Mode et le Bonheur», chap. 1 et expliqué l'intérêt que comporte la peinture des moeurs le Croquis de moeurs», 2, Baudelaire évoque la personnalité de M. C. G. il ne nomme pas le peintre pour ne pas le froisser dans sa modestie, l'originalité de son travail et de son génie l'Artiste, homme du monde, homme des foules et enfant», 3. Voué à la recherche de la modernité la Modernité», 4, Constantin Guys dessine de mémoire et restitue l'impression produite par les choses sur l'esprit» l'Art mnémonique», 5. Les chapitres suivants portent pour titre les divers sujets abordés par l'oeuvre de Constantin Guys les Annales de la guerre», 6; Pompes et Solennités», 7; le Militaire», 8; le Dandy», 9; la Femme», 10; Éloge du maquillage», 11; les Femmes et les Filles», 12; les Voitures», 13. Baudelaire y décrit les dessins du peintre tout en livrant ses propres réflexions sur des thèmes qui lui sont chers. De même que les conceptions esthétiques de Diderot retentiront sur sa théorie et sa pratique dramatiques, de même les oeuvres critiques de Baudelaire _ en particulier ses Salons rédigés depuis 1845 _ apparaissent comme le véritable art poétique dont les Fleurs du mal et le Spleen de Paris représentent les deux réalisations les plus achevées. C'est que pour Baudelaire poésie et peinture s'interpénètrent _ ne parle-t-il pas de Delacroix comme d'un poète en peinture»? _ et que l'analyse de celle-ci lui permet de mettre à nu, non les mécanismes de l'écriture, mais les principes qui guident toute sa création et qu'il résume dans le concept de modernité». Même s'il n'a pas inventé le mot Balzac et Gautier l'ont utilisé avant lui, Baudelaire est à l'origine de sa fortune; et le terme revient sous sa plume comme une obsession à partir du Salon de 1859 où, parlant de la peinture anglaise dont le caractère est la modernité», il en vient à s'interroger Le substantif existe-t-il? Le sentiment qu'il exprime est si récent que le mot pourrait bien ne pas se trouver dans les dictionnaires.» Cette modernité» que Baudelaire traque, où la trouve-t-il prioritairement? Moins chez les peintres qu'il admire _ Delacroix surtout, Corot dans une moindre mesure _ que chez un Daumier ou un Gavarni, et plus encore un Constantin Guys, tous praticiens du trait plutôt que du pinceau. C'est qu'à l'idée de modernité Baudelaire associe celle d'éphémère, ou pour employer son vocabulaire, celle de transitoire» or le tableau figure alors que le croquis ou l'esquisse, à l'image de celui qui l'exécute, va, court, cherche». Et l'on saisit ainsi un premier caractère de la modernité C'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable.» Définition qui pourrait servir de commentaire au poème "A une passante", silhouette croisée, profil tracé dans la fugacité d'un échange. Fugacité qui définit un second trait, décor essentiel de l'esthétique baudelairienne la ville, lieu de l'échange, du mouvement, de l'éphémère, à l'opposé de la nature romantique, stable et consolatrice. Cette ville, omniprésente dans les poèmes voir la deuxième partie des Fleurs du mal précisément intitulée Tableaux parisiens», et qui offre sa laideur mais aussi suscite de quoi se perdre dans un rêve que réaliseront les poèmes de la troisième partie, le Vin». Rien d'étonnant, alors, que dans un monde articiciel d'où la nature est rejetée dans l'ailleurs voir "l'Invitation au voyage", la femme soit elle-même d'abord recherchée pour son artifice d'où le capital chapitre XI, Éloge du maquillage» qui, inversant les présupposés traditionnels de l'union de la beauté naturelle et de la morale, en vient à affirmer que le bien est toujours le produit d'un art». Le maquillage devient ainsi pour la femme ce que la ville est au monde le lieu d'un mirage assumé, où chacun peut puiser matière à rêver. Ainsi fardée, la femme se fait l'égale de ce héros de la vie moderne» dont Baudelaire s'est voulu le chantre le dandy, celui qui combat et détruit la trivialité». Lus à la lumière des pages de l'essai consacré à Constantin Guys, les poèmes de Baudelaire apparaissent alors comme la parfaite adéquation d'une époque et d'un regard critique, attitude qu'il décelait chez Balzac et qui porte chez lui le nom d'imagination». L'art romantique, Charles Baudelaire 1868 Sous ce titre sont réunies les pages de critique littéraire de Charles Baudelaire 1821-1867, écrites depuis 1845 et pendant les années suivantes et publiées pour la première fois en volume posthume, dans l'édition de ses oeuvres, par les soins de Th. Gautier et de Ch. Asselineau. Le titre heureux autant qu'inadapté a été choisi par les deux éditeurs car Baudelaire, de son côté, avait eu l'intention de réunir toute sa production critique sous le titre de "Curiosités esthétiques" avec, comme subdivisions "Art" et "Littérature", soulignant ainsi l'étroite union de principe et de style de sa recherche dans ces deux domaines. Dans ces textes, Baudelaire fait preuve d'une admirable lucidité de pensée, d'une sûreté dans l'exposé des principes théoriques, d'une délicatesse de sensibilité et d'une précision de jugement,d'une rigueur d'expression enfin, qui le placent parmi les plus grands critiques de la littérature moderne. L'essentiel du livre est formé par les réflexions sur quelques-uns de mes contemporains, Victor Hugo, A. Barbier, Marceline Desbordes-Valmore, Th. Gautier, Pétrus Borel, G. Le Vavasseur, Th. de Banville, Pierre Dupont, Leconte de Lisle, Hégésippe Moreau, qu'entourent d'autres articles de circonstance sur les récits de Jean de Falaise le premier article par ordre chronologique, sur "Les martyrs ridicules" de Léon Cladel, sur "Les Misérables" de Hugo, sur Ménard et l' "Ecole païenne", sur "Les drames et les romans honnêtes ou L'école de vertu et de bon sens", etc. Il y a encore un curieux écrit moral de 1846, plein de finesse et d'une vive saveur "Conseil aux jeunes littérateurs" et une série de véritables essais, sur "Madame Bovary", sur Gautier et Wagner. La critique de Baudelaire, que l'on peut qualifier de philosophico-technique, forme l'exact pendant et le nécessaire complément de la critique psycho-moraliste de Sainte-Beuve; elle représente dans l'histoire de la pensée et dans le tableau de la civilisation littéraire du XIXe siècle, une valeur certaine qui n'est en rien inférieure à celle de la critique de sainte-Beuve. Pour Baudelaire, l'activité poétique est autonome; c'est une faculté de l'homme qui tend au Beau, comme la raison critique tend au Vrai et la volonté morale au Bon. Ayant ainsi revendiqué l'autonomie de l' art, il entreprend une vive polémique contre la tendance de la philosophie idéaliste à identifier ces diverses manifestations de l'esprit, dont toutefois il reconnaît les points de contact dans la pratique. Mais l'originalité de la critique baudelairienne consiste dans le fait qu'elle ne se déduit nullement d'un système quelconque et n'offre, en conséquence, aucune rigidité partant de l'analyse directe des oeuvres, il retrouve un certain nombre de principes, simples et absolus, qui sont en parfait accord avec ses recherches techniques raffinées et son sens de la "forme" considérée comme une valeur absolue. Ainsi, les "Iambes" de Barbier lui donnent l'occasion de montrer les rapports entre l' art et la morale; en revanche, les poésies de Marceline Desbordes-Valmore se prêtent admirablement à la mise en lumière de l'importance du "sentiment". L'essai très important sur Gautier l'engage dans une véritable leçon d' esthétique sur le caractère distinctif du beau poétique, leçon au cours de laquelle il cite un passage extrait des "Notes sur Edgar Poe", qui est resté célèbre. Mais Baudelaire ne se confine pas pour autant dans une esthétique strictement intellectuelle ou dans un aride classicisme ainsi, en face d'un rapide et très pénétrant bilan de la poésie lyrique de Victor Hugo, voici un article sur "Les misérables" où sont franchement appréciées les raisons morales de l'oeuvre; à propos du futur grand maître des parnassiens, Leconte de Lisle, il fait un prompt rappel à Renan; en un autre article où il analyse avec lucidité la poésie à caractère social de Dupont, il reconnaîtra aisément les qualités de style d'écrivains comme Leroux et Proudhon. Il offre enfin à propos de "Madame Bovary", un splendide essai de critique psychologique. Faisant preuve d'un sens très vif de l'universalité de l' art, sans qu'on puisse le taxer d'incohérence, Baudelaire retrouve, dans son cheminement de critique, les principes du parnasse, du symbolisme et même du surréalisme. Nous ne devons pas oublier non plus de mentionner le long essai de critique musicale, dont les tentatives pour acclimater l'oeuvre de Wagner en France 1860-1861 furent l'occasion, et qu'il publia à part sous le titre "Richard Wagner et Tannhaüser à Paris" 1861. Dans cet essai, nous trouvons un examen aigu et pénétrant de la psychologie du public, une rapide esquisse du caractère de Wagner et de sa formation intellectuelle, une lumineuse illustration de l' esthétique wagnérienne, et d'attentives études sur la nature de l' art musical en général, sur "Tannahaüser, "Lohengrin" et la musique de Wagner en particulier. D'autres écrits de caractère critique, déjà publiés dans des revues et journaux, ou restés inédits, furent réunis à deux reprises dans les "Œuvres posthumes" de 1887 et de 1908 et sont depuis imprimés avec "L'art romantique". Parmi ceux-ci, une fine analyse des récits de Champlfleury, un curieux article sur la "Biographie des excentriques", un plan étendu pour un essai sur "Les liaisons dangereuses" et surtout un important écrit de ton satirique, très riche en notations morales, sur "L'Esprit et le style de M. Villemain". Mon cœur mis à nu, Charles Baudelaire 1887 Recueil de fragments en prose de Charles Baudelaire 1821-1867, publié dans un volume intitulé Oeuvres posthumes et Correspondances inédites à Paris chez Quantin en 1887. L'édition critique parue chez José Corti en 1949, due à J. Crépet et G. Blin, fait autorité. Baudelaire n'a jamais rédigé, de façon suivie, un véritable journal intime. Il s'est contenté de noter diverses réflexions sur des feuilles volantes qu'il ne destinait pas à la publication. Ces feuilles forment trois ensembles Fusées, Hygiène et Mon coeur mis à nu, qui fut vraisemblablement écrit entre 1859 et 1865. Le texte participe, à l'origine, d'un ambitieux projet, ainsi que l'atteste une lettre à Mme Aupick du 1er avril 1861 dans laquelle le titre apparaît pour la première fois Un grand livre auquel je rêve depuis deux ans Mon coeur mis à nu, et où j'entasserai toutes mes colères. Ah! si jamais celui-là voit le jour, les Confessions de J[ean]-J[acques] paraîtront pâles. Tu vois que je rêve encore.» Mon coeur mis à nu est composé de quarante-huit fragments dont la longueur moyenne n'excède pas une demi-page. Ces fragments, eux-mêmes discontinus, se présentent comme une succession de notes plutôt que comme des ensembles véritablement rédigés. Lapidaires et laconiques, les notations couchées sur le papier par Baudelaire sont de toutes sortes aide-mémoire de l'écrivain sous forme de plans ou projets, souvenirs, jugements sur les contemporains, diatribes pourfendant surtout l'époque moderne, maximes _ certains accents font parfois songer à La Rochefoucauld et à Pascal _, réflexions sur la politique, la société, l'histoire, les religions et l'art. Le titre de l'ouvrage répond à un défi formulé par Edgar Poe dans ses Marginalia S'il vient à quelque ambitieux la fantaisie de révolutionner d'un seul coup le monde entier de la pensée humaine, de l'opinion humaine et du sentiment humain, l'occasion s'en offre à lui. [...] Il lui suffira en effet d'écrire et de publier un très petit livre. Le titre en sera simple _ quelques mots bien clairs _ Mon cœur mis à nu.» En dépit du titre de l'ouvrage et de la comparaison que Baudelaire établit avec les Confessions de Rousseau, le poète s'y livre peu à l'introspection et à la confidence. Certains énoncés sont certes à la première personne et dévoilent l'intimité du cœur et de l'esprit Tout enfant, j'ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires, l'horreur de la vie et l'extase de la vie» XL; Dès mon enfance, tendance à la mysticité» XLV. Plus souvent, cependant, ils sont formulés de façon impersonnelle. La brièveté et le caractère elliptique de la notation sont propices à générer des sentences _ Il faut travailler, sinon par goût, au moins par désespoir, puisque, tout bien vérifié, travailler est moins ennuyeux que s'amuser» X _ ou des méditations _ Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan.» L'usage fréquent du paradoxe et de l'antithèse traduit la conscience intime d'un moi écartelé voir les Fleurs du mal. L'ouvrage émane d'une sensibilité à la fois cynique et écorchée, avide et désespérée qui, au-delà de Baudelaire, se présente comme celle de toute une génération. Ce n'est pas, seulement son propre cœur mais celui de l'homme que le poète, plus moraliste que diariste, cherche à mettre à nu.
Deses marges (« Les Veuves », « Les Yeux des pauvres »), de sa violence (« Le Gâteau ») et de son irrationalité peuvent naître un fantastique urbain (« La Corde ») à travers lequel Baudelaire rejoint souvent Edgar Poe. Mais, négation même de l'art, figure du mal, la grande ville, tout en étant épiphanie du moderne, est
Charles Baudelaire est né en 1821 et mort en 1867 à Paris. C'est l'un des plus grands poètes français du XIX° siècle qui a définit les principes créateurs de la poésie moderne, du symbolisme au surréalisme. Après les Fleurs du mal, le recueil le Spleen de Paris, qui est le 4ème volume des œuvres complètes de Baudelaire, représente la dernière tentative de Baudelaire pour accéder à une écriture libre et poétique, pour parvenir à son rêve esthétique, la rencontre magique de l'insolite et du quotidien. Le Spleen de Paris, qui a été publié en 1869, est composé de petits poèmes écrits en prose. Quant à son titre, le Spleen définit un ennui que rien ne paraît justifier, une neurasthénie qui suggère un état dépressif caractérisé par une grande fatigue accompagnée de mélancolie. La personne est alors d'une humeur noire. Nous nous sommes donc intéressés en profondeur à ce recueil. Nous avons d’abord étudié ses caractéristiques, puis ce qui a poussé Baudelaire à l'écrire et enfin l'interprétation que l'on peut en faire. I - Caractéristiques du recueil 1 Les thèmes Ils sont nombreux dans un recueil aussi complet. Si on les regroupe, on obtient ainsi 5 idées principales. a. L'évasion on y retrouve le rêve, le voyage, l'ivresse, parfois la solitude. Baudelaire émet l'hypothèse que dans une grande ville, on est sans cesse en compagnie de gens, il arrive que l'on ait besoin de s’évader, de se retrouver seul. Pour lui, l'écriture est un moyen de s'enfermer dans son propre monde, de se retrouver en accord avec soi même, de remédier au spleen. b. Les femmes plus de la moitié du recueil traite de ce sujet, ce qui prouve son importance dans la poésie de Baudelaire. Il est fasciné par la femme, qui est parfois un refuge, une consolation pour lui, même s'il ne la considère pas comme idéale. En effet, il nous transmet tantôt une image négative, tantôt une image positive de cette dernière. c. Les pauvres Baudelaire éprouve deux sentiments bien distincts à leur égard. La plupart du temps, il est sincèrement peiné, compatissant à leur souffrance et même coupable d'avoir une vie plus agréable qu'eux. Pourtant, il est parfois cynique de manière dérangeante et peut se montrer méprisant envers cette catégorie de la population parisienne. d. La foule et la ville Le Spleen de Paris, comme son nom le suggère, est fondé sur la ville et ses habitants, voilà pourquoi ce sujet revient souvent. Par ailleurs, même s'il souhaitait parfois s'isoler, Baudelaire était très attaché à la capitale. Mais, en faire une source d'inspiration principale ne veut pas dire faire un éloge. En effet, la vision de la ville est souvent péjorative, et la foule est décrite comme hypocrite, lâche et mesquine. e. Le temps. Il est l'ennemi de l'homme. L'auteur le personnifie, en lui attribuant constamment une majuscule, en un dictateur cruel et sans scrupule, qui fait de l'humanité son esclave. 2 Les registres Dans son Spleen de Paris, Baudelaire mêle ne nombreux registres, nous n'avons par conséquent retenu que les principaux. Il y a d'abord le registre lyrique, qui est majoritaire dans ce receuil. La plupart des poèmes sont en effet écrits à la première personne du singulier et expriment les sentiments, les pensées de l'auteur. Ainsi, dans le "Confiteor de l'artiste", par exemple, nous retrouvons beaucoup de marque de première personne comme les pronoms "moi" et "je", des interjections comme "Ah" associées à de la ponctuation expressive. Nous avons aussi le registre pathétique, dans les poèmes qui traitent des pauvres, des mal aimés, des rejetés. Baudelaire cherche à susciter notre pitié en décrivant cette classe de la population. Dans "Le vieux saltimbanque", il nous décrit ce vieillard comme "voûté, caduc, décrépit, une ruine d'homme". Les termes "misère" et "haillons" lui sont associés. Ce registre pathétique est donc présent pour que l'on éprouve de la peine devant la population malheureuse et délaissée qu'il met en avant dans certains poèmes. Enfin, on peut rencontrer le registre tragique, qui transmet la fatalité de l'homme qui se sent piégé, emprisonné devant des réalités qui le dépassent. Il illustre dans un poème intitulé "La Chambre Double" la force du temps devant laquelle les hommes ne peuvent rien faire. Nous avons donc des expressions comme "le temps a disparu" ou encore "les secondes [...], en jaillissant de la pendule" où l'auteur emploie le verbe "jaillir", montrant l'incroyable vitesse de la course effrénée du temps. Nous pouvons également citer d'autres registres comme le narratif dans des poèmes que l'on peut presque apparenter à des nouvelles comme "Chacun sa chimère", qui contient un schéma narratif complet. Il y a le registre descriptif, tout de même moins présent, qui sert dans les œuvres décrivant un endroit comme "Le port" ou une personne comme "La belle Dorothée". Le registre didactique est utilisé dans des récits allégoriques contenant une morale, le registre épidictique dans ceux créés pour faire un éloge ou un blâme, et le registre satirique car nous retrouvons des satires dans beaucoup de poèmes. 3 Forme des poèmes Baudelaire s'est servit de la prose pour affirmer sa modernité et imposer son style. Il s'est donc servit de tous les outils de la langue française pour créer sa "prose poétique". En abandonnant les contraintes traditionnelles qui sont le vers, le mètre, il s'offre une grande liberté pour aborder les différents thèmes qui constituent son recueil. Malgré tout, la prose obéit à des règles qui sont facilement modulables il faut que la forme soit brève, que le titre du poème évoque de préférence le sujet dominant, que le texte soit structuré en paragraphes logiquement articulés... La musicalité propre à la poésie est alors retransmise dans la ponctuation, le rythme des phrases ou encore les figures syntaxiques. Ainsi, la prose baudelairienne va devenir un genre incontournable dans les décennies qui vont suivre la publication de ce recueil. Néanmoins, le dernier poème du recueil, "Epilogue", se trouve être en vers. La seule explication que nous pourrions donner sur cette anomalie est que cette œuvre a été écrite par Baudelaire, mais n'était pas sensée figurer dans "Le Spleen De Paris". II – Les motivations de Baudelaire 1 Influence S’il n’est pas le créateur du genre, c’est Baudelaire qui a illustré de la façon la plus forte la poésie en prose avec son recueil des Petits Poèmes en Prose. Il explique dans une préface en forme de lettre à son confrère Arsène Houssaye les buts qu’il a poursuivis, tout en affichant sa dette envers son prédécesseur, Aloysius Bertrand. Ce poète français a créé le genre du poème en prose avec Gaspard de la nuit, recueil composé en 1835. Il a été la source d’inspiration principale de Baudelaire qui s’est appuyé sur sa prose poétique et musicale. J’ai une petite confession à vous faire. C’est en feuilletant, pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la nuit, d’Aloysius Bertrand un livre connu de vous, de moi, de quelques-uns de nos amis, n’a-t-il pas tous les droits à être appelé fameux ? que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque. C’est donc à la mort d’Aloysius Bertrand que Baudelaire lui rendra hommage et se déclarera comme son héritier, s’attachant à créer une nouvelle poésie, qui ne soit pas pour autant des poèmes codifiés et identifiables comme tels. 2 Désirs et choix a- Prose Après avoir publié en 1857 le recueil des Fleurs du Mal, qui s’est révélé être la déclaration d’un nouveau genre de littérature où le poète s’attache à déceler dans des choses réelles un mouvement poétique et une image de beauté, Baudelaire cherche à approfondir encore la nouvelle écriture dont il est maître dans le Spleen de Paris. Je suis assez content de mon Spleen, écrit le poète. En somme, c’est encore les Fleurs du Mal, mais avec beaucoup plus de liberté et de détail, et de raillerie. C’est à travers la prose que le poète va alors s’exprimer, puisant dans les ressources du langage les éléments nécessaires pour faire d’un texte en prose un texte poétique. Comme il le dit lui même, il a cherché à créer une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme. Il retranscrit ainsi la beauté et l’éclat des banalités qui l’entourent, comme le joujou du pauvre , les fenêtres ou un gâteau . b- Structure En rédigeant les Fleurs du Mal, Baudelaire a cherché à donner une unité à son œuvre, pour qu’elle possède un commencement et une fin. A l’inverse, les Petits Poèmes en Prose n’obéissent pas à une rigueur architecturale paru à titre posthume deux ans après sa mort, le recueil possède une structure particulière qui ne semble pas pour autant celle que désirait l’auteur. Celui-ci a rédigé un sommaire qui ne serait qu’une ébauche, puisqu’il se terminait par autres classes à trouver , et laissait donc entrevoir l’idée d’un classement non définitif. Il se composait alors de trois parties Choses parisiennes , onéirocritée récit de rêves et de cauchemars et symboles et moralités . Les éditeurs ont choisi arbitrairement l’ordre de parution des poèmes dans les différentes revues dans lesquelles les poèmes étaient publiés entre 1855 et 1867. La question de la structure ne semble pourtant pas essentielle on remarque en effet que dans sa dédicace à Arsène Houssaye, Baudelaire donne des consignes de lecture et que l’absence d’ordre est volontaire. Il soutient que son recueil peut se lire dans n’importe quel ordre le premier poème peut devenir le dernier, le lecteur peut ne pas lire un poème ou interrompre sa lecture quand il veut sans pour autant porter atteinte à l’intégrité du recueil car chaque poème est autonome et peut exister sans être rattaché aux autres. Baudelaire met ainsi en avant le lecteur qui peut lire au gré de ses désirs et de son plaisir, il est libre de créer l’ordre qu’il veut. En ne faisant pas de la linéarité une contrainte de lecture, le poète met en évidence le souci de liberté qui préside dans le Spleen. c- Titre Le titre initialement prévu par Baudelaire en 1861était Poèmes nocturnes, en hommage sans doute au Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand. Petits Poèmes en Prose apparaît pour la première fois en 1862 lors de la publication de quelques poèmes comme L’Etranger ou Le Gâteau . En 1864, 5 poèmes sont publiés dans le Figaro sous le titre Le Spleen de Paris. Le dernier titre envisagé, Petits poèmes lycanthropes, met l’accent sur le mal-être profond du poète et sur son rejet de la vie en société la lycanthropie signifie en effet une forme aigüe de mélancolie et désigne aussi le comportement sauvage de l’Homme. D’autres titres tels Le promeneur solitaire ou Le rôdeur parisien ont été envisagés par Baudelaire, mais aucun poème n’a été publié sous ce titre. C’est finalement Le Spleen de Paris qui a été retenu par l’auteur, informant sur la source de l’inspiration poétique. III – Significations 1 Le sens des titres Les titres des différents poèmes du recueil nous informent sur les sources d’inspiration du poète, qui sont nombreuses. Ils traitent de lieux Le port , d’animaux Le chien et le flacon , de circonstances L’invitation au voyage , d’objets Le miroir , de moments Le crépuscule du soir et surtout des êtres humains, hommes, femmes, enfants, vieux, beaux, laids, pauvres, étrangers, artistes… Baudelaire propose donc ici une représentation de l’humanité à travers toutes les catégories sociales, économiques, professionnelles et culturelles. Le recueil apparaît comme une fresque du paysage humain à Paris dans la deuxième moitié du XIXème siècle. On peut noter également l’absence du poète tout au long du recueil les titres attestent que le moi n’est pas au centre de l’œuvre. Les Petits poèmes en prose résultent du regard du poète sur le monde et sur la société de son époque, et c’est un des aspects particuliers de ce recueil qui diffère des Fleurs du Mal. Baudelaire dit moins son désespoir que celui des autres, il devient en quelque sorte le porte-parole des souffrances d’autrui. 2 Un portrait du poète Si la présence de Baudelaire n’est pas clairement explicitée dans le recueil, elle transparait quand même dans certains poèmes. Ceux-ci permettent en effet de montrer certains aspects du poète et dressent son portrait moral. On peut donc voir le poète comme celui qui est attiré par les infinis de la pensée et de la rêverie, mais qui craint que sa création ne soit pas bonne Le confiteor de l’artiste , celui qui est incompris du public Le chien et le flacon , celui qui peine à transformer la laideur du quotidien en art Le mauvais vitrier , celui qui recherche la solitude et la quiétude du soir pour pouvoir se retrouver face à lui-même Le crépuscule du soir , La solitude , celui qui peut devenir autre et lui-même à la fois Les foules , un être double, à la fois artiste et homme, qui connaît une destinée particulière. La solitude et les ténèbres permettent à Baudelaire la création artistique. La nuit est le moment privilégié du poète qui lui rend hommage dans Le Crépuscule du soir et en profite pour s’éloigner des hommes et de la ville. L’art est pour l’artiste le seul moyen d’être en harmonie avec lui-même, c’est par sa création qu’il atteint le plus profond de son être sans être corrompu par le monde extérieur ; c’est l’art qui le différencie des autres hommes, qui le fait exister, même si ces hommes ne le reconnaissent pas en tant qu’artiste, et qu’il reste en conflit avec son désir de perfection et d’idéal que ne lui accorde pas son inspiration. Les poèmes dévoilent donc un aperçu de l’esprit du poète, de son aspiration et de ses peurs. A travers le regard qu’il tourne vers le monde et les autres, Baudelaire se livre tout de même à une forme d’introspection qui apporte un intérêt supplémentaire au recueil. En rédigeant ce recueil de poèmes en prose, Baudelaire propose une littérature libre et novatrice. C’est en observant le cadre parisien et le comportement des hommes qu’il se fait intermédiaire entre le monde réel et la poésie. Il juge l’Homme de manière lunatique il plaint les pauvres et les malheureux mais critique souvent le comportement et les actes humains. C’est à travers cette description de l’humanité qu’il exprime son Spleen , cette mélancolie qui donne le ton à son œuvre. Cette manière de faire passer à travers la prose une vision de ce qui l’entoure a révolutionné les canons de la poésie. Encore aujourd’hui, le Spleen de Paris incarne un modèle pour les auteurs de poésie en prose. 1. Dépit du poète face au Plaisir des autres Vers 5, 6 et 7 sont consacrés à l'évocation de la foule en quête de de se différencier des autres en les nommant "les mortels".Personnification du Plaisir avec la entre Plaisir et bourreau cela marque la non compréhension par Baudelaire de l'envie de se procurer du Baudelaire, il n'y a pas de raison d'avoir du plaisir puisqu'il mourra le Spleen l'a entièrement de Baudelaire face à ceux qui se laissent avoir par le jeu du péjorative des hommes dénonciation de la difficulté pour le genre humain à résister au Plaisir, et enfin dénonciationde leur inconscience face à la La description du Plaisir L'antithèse entre "Plaisir" et "bourreau" montre la définition du mot Plaisir que se fait champ lexical du deuxième quatrain est celui de la vie antérieure est implicitement décrite la débauche, la drogue....La référence au fouet fait référence au caractère bestial du immédiat de faute et de culpabilité vers 7.Envie pour Baudelaire de s'éloigner des personnes qui s'adonnent au Plaisir ceci est marqué par un rejet au début du Le passé avant la mort 1. Le passé Le premier tercet fait allusion au passé de Baudelaire personnification des champ lexical est celui de la vieillesse et du mauvais adjectifs sont là pour rappeler à Baudelaire qu'il a fait son temps dans ce en valeur du regret vers 11 métaphore "du plus profond des eaux" pour parler de l'esprit de Baudelaire. Non seulement ilresurgit mais il lui regret pourrait donc être le Spleen fier de l'avoir emporté sur allitérations en [r] vers 11 montrent la dureté du Spleen et du mal qu'il lui Son voyage vers la mort Champ lexical de la mort amorcé dès le vers de la correspondance au vers 13 entre la nuit et la souhaite que ce moment soit solennel et il fait savoir en imposant une lenteur perceptible les verbes "s'endormir,traînant" y de cette solennité avec les alexandrins binaires et la diérèse sur allitérations en [l] provoquent une sonorité douce et Baudelaire a choisi d'évoquer son angoisse, sa souffrance, sur un mode bien différent des poèmes consacrés au Spleen. Lasolitude et la vieillesse, avec son cortège de souvenirs pathétiques en elles-mêmes, sont ici adoucies, transfigurées par le pouvoirlibérateur du crépuscule et du souvenir. Loin d'accentuer la douleur, ces souvenirs et ces sensations l'apaisent.. » CharlesBAUDELAIRE, « Le Gâteau », in Les Petits Poèmes en prose : Le Spleen de Paris, 1869, poème XV. Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j’étais placé était d’une grandeur et d’une noblesse irrésistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon âme. Mes pensées volti- geaient avec une légèreté égale à celle de l’atmosphère ; les passions 5 Le Spleen de Paris, également connu sous le titre Petits Poèmes en prose, est un recueil posthume de poèmes en prose de Charles Baudelaire, établi par Charles Asselineau et Théodore de Banville. Il a été publié pour la première fois en 1869 dans le quatrième volume des Œuvres complètes de Baudelaire par l'éditeur Michel Levy après la mort du poète. Historique Les cinquante pièces qui composent ce recueil ont été rédigées entre 1857 Le Crépuscule du soir et 1864. Une quarantaine d'entre elles ont paru dans divers journaux de l'époque selon la volonté de Baudelaire, une partie des poèmes ont été publiés dans la revue littéraire L'Artiste, dirigée par son ami Arsène Houssaye auquel il dédie son œuvre, et une autre dans des journaux à grands tirages comme La Presse ou Le Figaro. Selon une lettre de 1862 qui sert de dédicace aux éditions postérieures[1], Baudelaire a été inspiré en les écrivant par l'exemple d'Aloysius Bertrand. J'ai une petite confession à vous faire. C'est en feuilletant, pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand un livre connu de vous, de moi et de quelques-uns de nos amis, n'a-t-il pas tous les droits à être appelé fameux ? que l'idée m'est venue de tenter quelque chose d'analogue, et d'appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d'une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu'il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque[1].» Les dix poèmes restant ont été publiés à titre posthume entre 1867 et 1869. Le Port, petit poème en prose, pièce XLI - Manuscrit de Baudelaire. Le titre Petits Poèmes en prose est celui de l'édition posthume de 1869. Mais Baudelaire lui-même avait évoqué à plusieurs reprises le titre Le Spleen de Paris pour désigner le recueil qu'il complétait au gré de son inspiration et de ses publications. S'il imagina plusieurs titres successifs, sa correspondance atteste clairement son choix pour le titre Le Spleen de Paris qui se rapproche des titres de deux parties des Fleurs du mal Spleen et Idéal et Tableaux parisiens. Pour exemple, dans une lettre du 6 février 1866, il écrit à Hippolyte Garnier Le Spleen de Paris, pour faire pendant aux Fleurs du mal », ou encore Le Spleen de Paris poëmes en prose », l'expression Poèmes en prose désignant moins un titre qu'un genre il n'est employé comme titre du vivant de Baudelaire que de 1862 à 1863 pour des publications de quelques poèmes en prose dans des périodiques[2]. Le 7 février 1864, le journal Le Figaro publia d'ailleurs quatre de ces pièces en prose sous le titre Le Spleen de Paris. La Revue de Paris en publia six autres le 25 décembre de la même année. Cependant, depuis la publication posthume des œuvres complètes, le recueil porte indifféremment ces deux titres. Le Figaro a choisi d'arrêter son choix sur un des titres proposés par Baudelaire, mais c'est bien au terme de spleen » qu'il faut surtout prêter attention plus qu'au lieu-dit de Paris. Comme on le voit à la lecture du recueil, Paris n'est pas le décor principal de l'expérience poétique. Cependant, Le Spleen de Paris ne se trompe pas de lieu, le spleen de Baudelaire est bel et bien un mal de vauriens » de Paris, et Baudelaire nous présente le diagnostic d'un malaise social lié à une ville plus qu'une simple indication cartographique pour situer son épanchement poétique.[réf. nécessaire] Seule la dernière pièce du recueil Épilogue est en vers. Il est aujourd'hui établi que Baudelaire n'avait pas prévu de l'y inclure[3]. Si l'auteur est libéré de la contrainte de la rime, il se doit tout de même de donner un rythme, une structure proche de la poésie à son écriture, de crainte de tomber dans le récit classique.[réf. nécessaire] À titre d'exemple, la XXXVIIe pièce, Les Bienfaits de la lune 1863, propose une symétrie entre deux paragraphes mêmes phrases, même structure grammaticale et continuité dans le deuxième paragraphe de l'idée du premier. De même, la XLVIIIe pièce, Anywhere out of the World[4] 1867, posthume, est construite principalement autour de quatre semi-anaphores, quatre petites phrases basées sur la même idée, les mêmes mots s'intercalant entre les paragraphes principaux. Réception Comme le souligne Robert Kopp, jusqu'au milieu des années 1960, Baudelaire a été considéré comme l'auteur d'un seul livre, Les Fleurs du Mal »[5]. En effet, la condamnation en justice des Fleurs du Mal et leur publication organisée du vivant de l'auteur ont renforcé l'importance accordée à l'œuvre en vers de Baudelaire. Le Spleen de Paris souffre lui très tôt d'une publication partielle et posthume, qui réunit les poèmes publiés dans la presse sans concours de l'auteur alors mort. La critique se concentre donc logiquement sur l'œuvre versifiée de Baudelaire au début du XXe siècle en mettant l'accent sur le classicisme de Baudelaire dans lequel Cassagne voit un nouveau Racine[6]. Le tournant opéré dans la critique dans les années 1960 continue d'accorder peu d'importance aux poèmes en prose et se concentre, dans le sillage de Walter Benjamin, sur l'héritage poétique contrasté que laisse Baudelaire et sur son abondante œuvre critique[7]. La première monographie consacrée entièrement aux poèmes en prose est publiée par Steve Murphy en 2003 avec Logiques du dernier Baudelaire. Cette lecture de plusieurs poèmes en prose capitaux dans l'œuvre baudelairienne est suivie par la parution en 2014 d'une étude d'Antoine Compagnon centrée elle aussi sur la prose de Baudelaire[8]. Contenu À Arsène Houssaye I. L'Étranger II. Le Désespoir de la vieille III. Le Confiteor de l'artiste IV. Un plaisant V. La Chambre double VI. Chacun sa chimère VII. Le Fou et la Vénus VIII. Le Chien et le Flacon IX. Le Mauvais Vitrier X. À une heure du matin XI. La Femme sauvage et la Petite-maîtresse XII. Les Foules XIII. Les Veuves XIV. Le Vieux Saltimbanque XV. Le Gâteau XVI. L'Horloge XVII. Un hémisphère dans une chevelure XVIII. L'Invitation au voyage 2e version XIX. Le Joujou du pauvre XX. Les Dons des fées XXI. Les Tentations ou Eros, Plutus et la Gloire XXII. Le Crépuscule du soir XXIII. La Solitude XXIV. Les Projets XXV. La Belle Dorothée XXVI. Les Yeux des pauvres XXVII. Une mort héroïque XXVIII. La Fausse Monnaie XXIX. Le Joueur généreux, XXX. La Corde XXXI. Les Vocations XXXII. Le Thyrse XXXIII. Enivrez-vous XXXIV. Déjà ! XXXV. Les Fenêtres XXXVI. Le Désir de peindre XXXVII. Les Bienfaits de la lune XXXVIII. Laquelle est la vraie ? XXXIX. Un cheval de race XL. Le Miroir XLI. Le Port XLII. Portraits de maîtresses XLIII. Le Galant Tireur XLIV. La Soupe et les Nuages XLV. Le Tir et le Cimetière XLVI. Perte d'auréole XLVII. Mademoiselle Bistouri XLVIII. Anywhere out of the World XLIX. Assommons les Pauvres ! L. Les Bons Chiens Épilogue Éditions illustrées Le Spleen de Paris, seize lithographies originales de Michèle Battut, Club du livre, 1988 Le Spleen de Paris, avec des gravures sur cuivre de Paul Hannaux ; Paris, Aux dépens d'un amateur Impr. La Ruche, 1950 Petits Poèmes en prose, illustrations aquarelles de Serge Ivanoff ; Paris, Javal et Bourdeau, 1933 Notes et références ↑ a et b Charles Baudelaire, Lettre à Arsène Houssaye, Paris, Cl. Pichois, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1973, p. 208 ↑ Cf. Claude Pichois, notice du Spleen de Paris in Charles Baudelaire, Œuvres complètes, tome 1, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade », 1975, p. 1297-1301. ↑ Steve Murphy, Logiques du dernier Baudelaire, p. 35. ↑ N'importe où hors du monde ». ↑ Robert Kopp, Une prose longtemps négligée », Le Magazine Littéraire, no 548,‎ octobre 2014, p. 82 ↑ Cassagne, Versification et métrique de Charles Baudelaire, 1906 ↑ Robert Kopp, Une prose longtemps négligée », Le Magazine Littéraire, no 548,‎ octobre 2014 ↑ Antoine Compagnon, Baudelaire, l'irréductible, Flammarion, 2014 Voir aussi Bibliographie Barbara Johnson, Défigurations du langage poétique. La Seconde Révolution baudelairienne, Flammarion, Paris, 1979 Dolf Oehler, Le Spleen contre l'oubli. Juin 1848, Payot, coll. Critique de la politique », Paris, 1996 Patrick Labarthe, Baudelaire Le Spleen de Paris, Gallimard, coll. Foliothèque », Paris, 2000 Steve Murphy, Logiques du dernier Baudelaire, Champion, coll. Essais », Paris, 2007 Antoine Compagnon, Baudelaire, l'irréductible, Flammarion, 2014 En 2012-2013, Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, a dédié sa leçon annuelle à l'étude des poèmes en prose de Baudelaire. Le Magazine Littéraire, en octobre 2014, dédie son dossier spécial au dernier Baudelaire » et publie de nombreuses contributions qui ont trait à la redécouverte du Spleen de Paris. Violaine Boneu, Sandrine Bédouret-Larraburu, Baudelaire Le Spleen de Paris, Neuilly, Atlande, coll. Clés concours Lettres XIXe siècle, 2014 Lien externe Sur Charles Baudelaire Chronologie des poèmes Mises en musique Spleen baudelairien Œuvres majeures Les Fleurs du mal Les Paradis artificiels Le Peintre de la vie moderne Le Spleen de Paris Poèmes Les Fleurs du mal À une dame créole À une mendiante rousse À une Passante L'Albatros L'Amour du mensonge Les Aveugles Les Bijoux Correspondances Le Crépuscule du matin Le Crépuscule du soir Le Cygne Danse macabre Don Juan aux enfers Élévation L'idéal L'Ennemi La Géante L'Héautontimorouménos L'Horloge L'Invitation au voyage Le Jeu L'Homme et la Mer La Beauté Les Litanies de Satan Parfum exotique Paysage Les Petites Vieilles Le Poison Rêve parisien Les Sept Vieillards Le Serpent qui danse Le Soleil Le Squelette laboureur Une charogne Le Spleen de Paris Assommons les Pauvres ! La Belle Dorothée Les Bienfaits de la lune Le Confiteor de l'artiste Le Désespoir de la vieille Déjà ! 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Le poème Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j'étais placé était d'une grandeur et d'une noblesse irrésistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon âme. Mes pensées voltigeaient avec une légèreté égale à celle de l'atmosphère ; les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient maintenant aussi éloignées que les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds ; mon âme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'étais enveloppé ; le souvenir des choses terrestres n'arrivait à mon coeur qu'affaibli et diminué, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient loin, bien loin, sur le versant d'une autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un géant aérien volant à travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causée par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait d'une joie mêlée de peur. Bref, je me sentais, grâce à l'enthousiasmante beauté dont j'étais environné, en parfaite paix avec moi-même et avec l'univers ; je crois même que, dans ma parfaite béatitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, j'en étais venu à ne plus trouver si ridicules les journaux qui prétendent que l'homme est né bon ; — quand la matière incurable renouvelant ses exigences, je songeai à réparer la fatigue et à soulager l'appétit causés par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon d'un certain élixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-là aux touristes pour le mêler dans l'occasion avec de l'eau de neige. Je découpais tranquillement mon pain, quand un bruit très léger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit être déguenillé, noir, ébouriffé, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dévoraient le morceau de pain. Et je l'entendis soupirer, d'une voix basse et rauque, le mot gâteau ! Je ne pus m'empêcher de rire en entendant l'appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j'en coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise ; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme s'il eût craint que mon offre ne fût pas sincère ou que je m'en repentisse déjà. Mais au même instant il fut culbuté par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d'où, et si parfaitement semblable au premier qu'on aurait pu le prendre pour son frère jumeau. Ensemble ils roulèrent sur le sol, se disputant la précieuse proie, aucun n'en voulant sans doute sacrifier la moitié pour son frère. Le premier, exaspéré, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le légitime propriétaire du gâteau essaya d'enfoncer ses petites griffes dans les yeux de l'usurpateur ; à son tour celui-ci appliqua toutes ses forces à étrangler son adversaire d'une main, pendant que de l'autre il tâchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivé par le désespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d'un coup de tête dans l'estomac. A quoi bon décrire une lutte hideuse qui dura en vérité plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre ? Le gâteau voyageait de main en main et changeait de poche à chaque instant ; mais, hélas ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, exténués, haletants, sanglants, ils s'arrêtèrent par impossibilité de continuer, il n'y avait plus, à vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait disparu, et il était éparpillé en miettes semblables aux grains de sable auxquels il était mêlé. Ce spectacle m'avait embrumé le paysage, et la joie calme où s'ébaudissait mon âme avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ; j'en restai triste assez longtemps, me répétant sans cesse Il y a donc un pays superbe où le pain s'appelle du gâteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! » Baudelaire était un artiste surprenant, à la vie tourmentée et à la plume subtile ! source L'Express Les meilleurs professeurs de Français disponibles4,9 70 avis 1er cours offert !5 85 avis 1er cours offert !4,9 117 avis 1er cours offert !5 39 avis 1er cours offert !4,9 56 avis 1er cours offert !5 38 avis 1er cours offert !4,9 17 avis 1er cours offert !5 111 avis 1er cours offert !4,9 70 avis 1er cours offert !5 85 avis 1er cours offert !4,9 117 avis 1er cours offert !5 39 avis 1er cours offert !4,9 56 avis 1er cours offert !5 38 avis 1er cours offert !4,9 17 avis 1er cours offert !5 111 avis 1er cours offert !C'est parti Avant la lecture Il faut étudier le paratexte, c'est-à-dire le titre, l'auteur, la date, etc. Ces informations doivent être recoupées avec vos connaissances émanant du cours courant littéraire, poète, recueil, etc.. Le titre engage également à des attentes. Il donne des indices sur la nature du poème que le lecteur s'apprête à lire. En poésie, la forme est décisive regarder le texte de loin » permet d'avoir déjà une idée de la démarche du poète Vers, strophes ? Si vers vers réguliers, vers libres ? Si vers réguliers quel type de rimes ? Le nombre de strophes... Pour la lecture Nous vous conseillons de lire le poème plusieurs fois, avec un stylo à la main qui vous permettra de noter ou souligner une découverte, une idée. 1ère lecture Identifier le thème général du poème, Identifier le registre comique ? pathétique ? lyrique ? etc., Identifier les procédés d'écriture pour diffuser le sentiment du registre choisi l'exclamation ? La diérèse ? etc. 2ème lecture Dégager le champ lexical, Place des mots un mot au début du vers n'a pas la même valeur qu'un mot placé en fin de vers, Déceler les figures de style généralement très nombreuses dans un poème, Travail sur les rimes lien entre des mots qui riment, rimes riches ou faibles, etc., Analyse du rythme avec les règles de métriques. En filigrane, vous devez garder cette question en tête pour l'analyse des procédés d'écriture comment le poète diffuse-t-il son thème général et comment fait-il ressentir au lecteur ses émotions ? Prêt pour un cours francais ? Rédaction du commentaire Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter Introduction- Présenter et situer le poète dans l'histoire de la littérature - Présenter et situer le poème dans le recueil - Présenter le projet de lecture = annonce de la problématique - Présenter le plan généralement, deux axes- Renseignements brefs sur l'auteur - Localisation poème dans le recueil début ? Milieu ? Fin ? Quelle partie du recueil ? - Problématique En quoi… ? Dans quelle mesure… ? - Les axes de réflexions- Ne pas problématiser - Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur Développement- Expliquer le poème le plus exhaustivement possible - Argumenter pour justifier ses interprétations le commentaire composé est un texte argumentatif - Etude de la forme champs lexicaux, figures de styles, rimes, métrique, etc. - Etude du fond ne jamais perdre de vue le fond - Les transitions entre chaque idée/partie- Construire le plan sur l'opposition fond/forme chacune des parties doit contenir des deux - Suivre le déroulement du poème, raconter l'histoire, paraphraser - Ne pas commenter les citations utilisées Conclusion- Dresser le bilan - Exprimer clairement ses conclusions - Elargir ses réflexions par une ouverture lien avec un autre poème, un autre poète ? etc.- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan. En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant ! Introduction Au XIXème siècle, Charles Baudelaire innove avec le poème en prose. Il ne fut certes pas le premier à s'y essayer c'est en lisant le recueil Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand qu'il décide de s'y atteler. Mais Le Spleen de Paris, qui rassemble ses écrits en prose et qui fut publié en 1869 après sa mort, contribua à légitimer le genre comme une véritable poésie. Le Gâteau » est extrait de ce recueil où il prend la quinzième place. Il se présente comme une petite histoire le poète raconte une scène à laquelle il a assisté, et de laquelle il tire une morale. À cause d'un simple morceau de pain, deux enfants pauvres se battent violemment devant les yeux d'un Charles Baudelaire désolé. Annonce de la problématique Dès lors, quelle leçon sur l'Homme le poète tire-t-il de son expérience ? Annonce du plan Nous analyserons dans un premier temps le mouvement d'ascension à la fois physique et spirituel que le poète savoure. Nous montrerons ensuite que ce mouvement n'était ascendant que pour mieux préparer la chute. Développement L'ascension Paul Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire vue de Bellevue, 1885 La première partie du poème est marquée par le mouvement d'une ascension. Raconté au passé, le poète semble se remémorer une marche en montagne la splendeur du paysage le conduit à l'élévation spirituelle. Un paysage magnifique Dès la deuxième phrase, le poète plante le décor de son poème Le paysage au milieu duquel j'étais placé était d'une grandeur et d'une noblesse irrésistibles. L'adjectif irrésistibles » témoigne de la situation du randonneur il ne peut pas faire autrement que de céder à la grandeur » et à la noblesse » du paysage, petit homme qu'il est est. Ses descriptions sont remplies de formules hyperboliques Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur » l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un géant aérien volant à travers le ciel. » les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds » Par ailleurs, la deuxième citation contient également une comparaison comme le reflet ... » qui ajoute à l'impression de grandeur. En effet, quoi de plus grand qu'un géant ? On trouve évidemment le champ lexical de la perfection au moment d'analyser la manière dont est décrite cette montagne grandeur », noblesse », vaste », pure », enthousiasmante beauté », parfaite ». C'est que ce paysage gigantesque semble se rapprocher du concept du philosophe allemand Emmanuel Kant, le sublime. Il s'agit d'une vision si grandiose, si parfaite, qu'elle inspire une joie terrifiante à celui qui l'expérimente. Or, le poète lui-même utilise la formule joie mêlée de peur ». Le sentiment du sublime permet également de faire sentir à l'Homme sa destinée spirituelle c'est-à-dire qu'il serait destinée à une vie purement spirituelle, étant libéré de son corps. Or, le poète ne cache pas qu'il se trouve tout en haut, au-dessus de l'humanité et du monde physique. Rappelons en effet l'hyperbole les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds ». Transition Toutes ces formules insistent de fait sur l'oubli des réalités terrestres permis par l'ascension de la montagne. Petit à petit, le poète devient un être pur, lavé des péchés physiques du monde. L'écho spirituel Ainsi, parallèlement à l'ascension, le poète vit une purification de son âme. C'est le poète qui fait lui-même le parallèle Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon âme. » À cette faveur, il peut oublier le mal terrestre ». Il devient un être parfaitement spirituel Mes pensées voltigeaient avec une légèreté égale à celle de l'atmosphère ». Cela lui permet d'effacer le quotidien et la bassesse matérielle les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient maintenant aussi éloignées que les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds » Fidèle à son entrée en matière, il use encore d'hyperboles pour décrire son état mental mon âme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'étais enveloppé ». On remarque ici l'utilisation de l'adjectif pure », absolument pas anodin, de même que le substantif coupole », qui renvoie à la coupole d'une Église. Le poète devient un dieu, puisque il est un élément céleste = du ciel. D'autres formulations confirment ce mouvement d'élévation divine les hyperboles telles que en parfaite paix avec moi-même et avec l'univers », total oubli de tout le mal terrestre » le lexique mélioratif mes pensées voltigeaient », j'étais enveloppé », une sensation solennelle et rare » la vision positive du monde le souvenir des choses terrestres n'arrivait à mon coeur qu'affaibli et diminué » Ici, en haut des Hommes, il croit sentir la perfection de l'humanité — comme un Dieu devant sa créature l'homme est né bon ». Ce passage invite à penser à la thèse du philosophe Jean-Jacques Rousseau, qu'il défend dans le Discours sur l'Inégalité parmi les hommes. Selon cette thèse, l'Homme est né bon, et c'est la société qui le corrompt. Le poète, au milieu d'une nature surélevée, semble souscrire à ce point de vue, dans une référence presqu'explicite j'en étais venu à ne plus trouver si ridicules les journaux qui prétendent que l'homme est né bon Le Concile des dieux, fresque, 1515-1517, Raphaël, Rome, Villa Farnesina Transition Mais le retour d'une monde physique - c'est-à-dire l'abandon des choses purement spirituelles - est marqué par l'arrivée du morceau de pain ». Le sentiment de faim rappelle au poète sa nature bassement matérielle et l'oblige à retourner aux choses terrestres. Cette rupture est marquée formellement par le trait, signifiant la césure dans sa pensée et le basculement dans la triste réalité — quand la matière incurable renouvelant ses exigences, je songeai à réparer la fatigue et à soulager l'appétit causés par une si longue ascension. La réalité de l'Homme L'arrivée du sentiment de faim impose au poète un dur retour à la réalité. Elle se décompose en trois éléments, d'après la suite du poète une vie nécessairement matérielle c'est-à-dire physique, une existence marquée par la violence, et l'inutilité apparente de toute chose. Une vie matérielle La deuxième partie du poème s'ouvre par une allitération en /s/ une si longue ascension ». Cette allitération accentue la fatigue, à travers l'idée d'une respiration qui siffle. Et cette respiration, c'est le rappel à la finitude = fait d'être mortel de l'Homme. La fin du premier paragraphe est alors marqué par le vocabulaire du quotidien, de la normalité, contrastant avec les thématiques précédentes gros morceau de pain », tasse de cuir », pharmaciens », vendaient », touriste ». C'est ainsi que toute la suite du poème sera conduit par l'idée de matérialité, quand le début se déployait sous couvert de spiritualité découpais », pain », gâteau », convoitise », ... L'arrivée du premier enfant fait définitivement basculer la tonalité du poème dans la négativité. Le lexique insistera alors sur sa pauvreté déguenillé », sa maigreur yeux creux », son caractère sauvage farouches », sa saleté noir ». Cet aspect si repoussant de l'enfant contraste avec la splendeur du paysage, tout entier spirituel c'est l'aspect physique de l'Homme qui est repoussant. La violence de l'Homme Mais, outre sa laideur, l'Homme se caractérise aussi par sa violence. L'arrivée du second enfant le rappelle au poète. Le deuxième paragraphe préparait l'avénement de cette idée. On y trouve en effet un champ lexical relatif à l'animalité découpais », bruit » ébouriffé », farouches », dévoraient », rauque », happant », vivement ». C'est ainsi qu'est présenté l'enfant qui débarque pour demander le gâteau » comme un être mi-homme, mi-animal, rendu ainsi par la faim qui tiraille ses entrailles. Pollice Verso Bas les pouces !, Jean-Léon Gérôme, 1872 La vision s'empire donc avec l'arrivée du deuxième petit enfant, décrit comme un autre petit sauvage ». Le combat est conduit avec un vocabulaire propre à la bestialité et à l'horreur roulèrent », sol », proie », sacrifier », dents », sanglant », griffes », et caetera. Devant les yeux du poète, les deux enfants deviennent ainsi des bêtes, malgré leur fraternité supposée ils sont dans un même état de misère et, plutôt que de s'entraider, se battent jusqu'à faire couler leurs sangs. La faim, signe de la condition physique de l'Homme, les rend absolument dégoûtants. Ils sont à deux doigts de s'entretuer pour de vrai. L'inanité des choses Cela conduit le poète à une triste conclusion, qui contraste tout à fait avec l'espoir nourri par l'ascension l'inanité = l'inutilité des choses humaines. Le triste combat auquel il a assisté a été provoqué par un pain, c'est-à-dire le plus simple des mets. Il devient pourtant, dans les yeux des enfants, un gâteau » mot qui donne son titre au poème, et revêt ainsi une importance plus grande. Cet objet ridicule est pourtant l'objet de toutes les convoitise[s] », et Baudelaire multiplie les expressions significatives suppliants », dévorait », honorer mon pain », ne quittant pas des yeux ». Ce petit pain de rien du tout provoque l'apparition du sang. C'est un premier motif de désespoir. Mais il y a pire le sang a coulé pour rien, puisque ce morceau de pain a disparu », perdu en miettes devenues des grains de sable » sur le sol. Littéralement, ce combat n'a servi à rien. La joie initiale du narrateur est alors gâchée Ce spectacle m'avait embrumé le paysage », la joie où s'ébaudissait mon âme avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ». Ce triste spectacle l'invite à rendre une morale, faisant de son poème l'équivalent d'un apologue Il y a donc un pays superbe où le pain s'appelle du gâteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! » La ponctuation expressive on note le point d'exclamation signifie l'intensité de l'émotion du poète il a perdu toutes les illusions fugaces qui étaient les siennes au moment de son ascension. La chute est d'autant plus difficile qu'il était monté très haut, proche d'oublier les misères terrestres de l'Homme. Mais l'arrivée des deux enfants, presque par surprise Mais au même instant », lui rappelle durement la condition de l'Homme, privée de salut sur la Terre. Conclusion Baudelaire n'a pas souvent choisi l'enfance comme thème d'inspiration. Pourtant, les enfants représentent supposément la pureté, et c'est ici ainsi qu'ils sont d'abord convoqués. Mais c'est pour mieux critiquer la bassesse de l'Homme. En effet, mêmes ces êtres censés être innocents en viennent à s'entre-tuer pour un pain », devenu devant leurs yeux affamés un gâteau ». Par-là, Baudelaire critique aussi l'horreur de la misère, capable de corrompre le plus pur des êtres. Ouverture Il est en revanche fréquent de voir Baudelaire porter un regard pessimiste sur la nature humaine. On pourra en chercher les traces dans un poème comme L'Âme du vin » par exemple. LeSpleen de ParisCommentaires sur cet exemplaire : Couverture légèrement défraîchieLivre d'occasion écrit par Charles Baudelaireparu en 1971 aux éditions . Il se disait, en se promenant dans un grand parc solitaire Comme elle serait belle dans un costume de cour, compliqué et fastueux, descendant, à travers l’atmosphère d’un beau soir, les degrés de marbre d’un palais, en face des grandes pelouses et des bassins ! Car elle a naturellement l’air d’une princesse. » En passant plus tard dans une rue, il s’arrêta devant une boutique de gravures, et, trouvant dans un carton une estampe représentant un paysage tropical, il se dit Non ! ce n’est pas dans un palais que je voudrais posséder sa chère vie. Nous n’y serions pas chez nous. D’ailleurs ces murs criblés d’or ne laisseraient pas une place pour accrocher son image ; dans ces solennelles galeries, il n’y a pas un coin pour l’intimité. Décidément, c’est là qu’il faudrait demeurer pour cultiver le rêve de ma vie. » Et, tout en analysant des yeux les détails de la gravure, il continuait mentalement Au bord de la mer, une belle case en bois, enveloppée de tous ces arbres bizarres et luisants dont j’ai oublié les noms….., dans l’atmosphère, une odeur enivrante, indéfinissable….., dans la case un puissant parfum de rose et de musc…., plus loin, derrière notre petit domaine, des bouts de mâts balancés par la houle….., autour de nous, au delà de la chambre éclairée d’une lumière rose tamisée par les stores, décorée de nattes fraîches et de fleurs capiteuses, avec de rares siéges d’un rococo Portugais, d’un bois lourd et ténébreux où elle reposerait si calme, si bien éventée, fumant le tabac légèrement opiacé !, au delà de la varangue, le tapage des oiseaux ivres de lumières, et le jacassement des petites négresses….., et, la nuit, pour servir d’accompagnement à mes songes, le chant plaintif des arbres à musique, des mélancoliques filaos ! Oui, en vérité, c’est bien là le décor que je cherchais. Qu’ai-je à faire de palais ? » Et plus loin, comme il suivait une grande avenue, il aperçut une auberge proprette, où d’une fenêtre égayée par des rideaux d’indienne bariolée se penchaient deux têtes rieuses. Et tout de suite Il faut, — se dit-il, — que ma pensée soit une grande vagabonde pour aller chercher si loin ce qui est si près de moi. Le plaisir et le bonheur sont dans la première auberge venue, dans l’auberge du hasard, si féconde en voluptés. Un grand feu, des faïences voyantes, un souper passable, un vin rude, et un lit très-large avec des draps un peu âpres, mais frais ; quoi de mieux ? » Et en rentrant seul chez lui, à cette heure où les conseils de la Sagesse ne sont plus étouffés par les bourdonnements de la vie extérieure, il se dit J’ai eu aujourd’hui, en rêve, trois domiciles où j’ai trouvé un égal plaisir. Pourquoi contraindre mon corps à changer de place, puisque mon âme voyage si lestement ? Et à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante ? » jdxF. 287 32 121 116 358 338 21 387 281

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